Mon rêve
J'ai écrit ce texte fin avril 2023. À l'origine je pensais le lire à l'occasion de l'AG 2022 de “Des Idées Plein la Terre” (DIPLT), une association écologiste où je suis adhérent. Faute de temps à cette occasion là je ne l'ai pas finalement pas lu. J'en publie ici une version revue et enrichie.
C'est un rêve que je pose là. Il est à poursuivre avec vous si vous y consentez :)
Les ZADistes disaient à Notre-Dame-des-Landes “Nous sommes la nature qui se défend”. Aujourd'hui nous entendons “Nous sommes les soulèvements de la Terre”.
Et si l'ambition pour DIPLT était de dire “Nous sommes la nature qui prend soin d'elle-même” ?
Ce qui relie ces trois expressions c'est l'idée que nous sommes nous aussi la nature. Elle n'est pas quelqu'un chose d'extérieur à nous, mais quelque chose que nous sommes et qui existe en chacun.e de nous.
Pour moi le soin revêt trois dimensions : – Le prendre soin de soi : connaître nos besoins et nos limites, qui évoluent sans cesse, tel le mouvement de la vie. Alors, les découvrir et les exprimer au contact de l'autre. Faire ce travail sur soi, long et courageux, parfois inconfortable. – Le prendre soin des autres au travers de nos relations : écouter l'autre, qui ne vit pas la même réalité que nous, et dont on ne peut saurait vraiment “se mettre à la place” en définitive. Aussi s'interroger et déconstruire des structures de domination et d'oppression dont nous avons toutes et tous été imprégné.e.s culturellement et qui affectent et nuisent à la qualité de nos relations. – Le prendre soin de l”environnement” : apprendre à connaître la “nature” pour la protéger et l'aimer, à retrouver le sens de la beauté et de l'émerveillement au contact de celle-ci.
(Hier au bord du fleuve Guyoult j'ai trouvé tout un tas de déchets plastiques et alimentaires près d'un banc. Je ne crois pas que les gens y ont jeté leurs déchets car iels détestent la nature. Je pense qu'iels se détestent eux-mêmes, au fond, car ne pas respecter les autres c'est au fond...ne pas se respecter soi)
Ces trois dimensions du prendre soin sont indissociables les unes des autres et complémentaires. Pour moi Il n'y aura pas de société écologique sans ce triptyque écologie personnelle, relationnelle et environnementale. Ces dimensions sont reliées et in-terre-dépendantes.
Cette écologie peut paraître “bisounours” dans le monde où on vit et face aux enjeux qui sont les nôtres.
Oui, elle l'est, mais elle est aussi subversive. Dans un monde où les rapports d'humain.e.s ont été transformés en rapport de choses, où y compris nous-mêmes nous vendons sur des marchés tell.e.s des marchandises (“je suis de nouveau sur le marché !”), remettre du soin, remettre du cœur est extrêmement subversif...et donc politique.
Prendre soin, c'est permettre à l'humain.e de retrouver une place plus juste au sein d'un plus large écosystème qu'on appelle “la nature”, dans une quête perpétuelle d'équilibre.
J'ai été émerveillé et touché en arrivant à DIPLT par l'accueil que vous m'avez réservé, par ce groupe humain où je retiens ce sens de l'accueil, du vivre ensemble, dans un espace pacifié ou chacun.e peut trouver sa place juste, et retrouver la joie d'être en étant ensemble.
Le monde “dehors” est dur, il faut lutter. Il faut battre la pavé, taper dans des casseroles et crier fort (on adore ça !), parfois affronter des armes de guerre (on aime beaucoup moins). Si lutter est une façon d'affirmer ses valeurs profondes, je me rends compte que ça coûte aussi. Et j'ai personnellement besoin d'espaces comme DIPLT/ZUUT où nourrir mon être de la beauté de l'humanité pour poursuivre sur le chemin difficile (mais beau !) qu'est la vie.
Et au moment même où on se bat pour abattre le monde qui nous mène à la mort de la nature, il faut aussi dessiner un nouveau monde désirable, ouvrir la voie à des écosystèmes résilients, y compris humains. Si ça n'enlève rien à la nécessité par exemple de conquérir une autonomie alimentaire locale par l'appropriation collective des moyens de production, penser que ça suffirait à construire une société pacifiée me semble hasardeux.
Pour moi DIPLT/ZUUT esquissent cette écotopie, cette “safe place”. Cet écosystème associatif est un organisme vivant auquel il faut apporter soin et amour. Un endroit où chacun.e peut se se sentir en sécurité et considéré, où on prend soin les un.e.s des autres, où on apprend à respecter les limites de chacun.e et à grandir ensemble. À se dire les choses, même si ça pique, avec bienveillance (qui n'est pas la complaisance).
Je suis persuadé que ce qui donne l'élan premier à nos adhérent.e.s de participer aux activités de l'association, c'est ce vivre ensemble, cette capacité qu'à DIPLT à nous reconnecter au tissu humain, davantage peut-être encore que l'idée que nous arriverons ainsi à “sauver le monde”. Nos vies ont de l'importance, elles sont grandes, et DIPLT contribue à nous aider à trouver un sens à celles-ci.
Oui rendre le monde de demain vivable est une ambition nécessaire, mais n'oublions pas que le monde d'aujourd'hui ne l'est déjà pas pour beaucoup d'entre nous, victimes d'oppressions et de dominations. Or, il n'y a qu'à partir du monde d'aujourd'hui que nous construisons le monde de demain.
Alors se préserver, se reposer, se laisser de la respiration pour vivre aussi autre chose, ralentir pour sentir au sens du sensible ce qui fait sens pour chacun.e d'entre nous, chose parfois difficile tant on est tentés d'accélérer perpétuellement au détriment de soi, est indispensable.
Au sein même de DIPLT/ZUUT, comme ailleurs, nous avons à connaître des écosystèmes humains dont l'équilibre est fragile. Par le passé DIPLT a connu des cas d'épuisements professionnels. N'ignorons pas qu'encore aujourd'hui certain.e.s côtoient régulièrement la ligne rouge.
C'est un défi perpétuel que nous devons relever toutes et tous, adhérent.e.s comme salarié.e.s. Nous avons chacun.e une part de responsabilité à y prendre, celle d'ouvrir un espace d'écoute, de soutien, de prendre soin, de soi et des autres.
Ce serait un non-sens absolu qu'une association dont l'objet même est la préservation des écosystèmes voit les siens s'épuiser comme si c'était un sacrifice nécessaire au profit d'une ambition plus grande que soi. Je fais le vœu que ce soit ne soit pas une fatalité.
♥ Nous sommes la nature. Essayons d'en prendre soin, ailleurs et ici-même ♥
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